Il y a quelques jours, j’ai été invité à faire une conférence sur le rétrogaming. J’avais publié un article pour vous demander des conseils sur les sujets à aborder. Ma conférence s’est tenue le 12 février 2020 et s’est très bien passée. Je remercie chaleureusement le public qui était intéressé et bienveillant. Merci aussi à vous pour vos précieux conseils et special thanks à Antonio (fidèle lecteur du blog) qui m’a super bien bien briefé par mail et par téléphone avant de partir en voyage au Japon. 

Ma conférence ne durait qu’une heure et je voulais conserver un peu de temps pour répondre aux éventuelles questions. Je ne pouvais évidemment pas aborder le sujet dans son ensemble et j’ai donc intitulé cette présentation “Une petite histoire du retrogaming“.

histoire du retrogaming

Une petite histoire du retrogaming en 2020

J’ai essayé de retravailler au mieux le texte ci-après afin de l’adapter à un format de lecture. Mais gardez en tête en lisant cet article qu’il a d’abord été rédigé dans une perspective de présentation orale. Bonne lecture 😉

Une petite histoire du rétrogaming

Bonjour à toutes et à tous !

Vous êtes venus visiter une exposition sur l’histoire des jeux vidéo.

Et Céline de la médiathèque de Saint-Lô m’a proposé de venir vous parler de rétrogaming.

Alors, le retrogaming c’est quoi ?

Le retrogaming est l’assemblage des mots retro et gaming.

Rétro : signifie “en arrière”. Quand vous regardez dans votre rétroviseur, vous regardez derrière.

Gaming : provient de game ou jeu en anglais, et est donc l’action de jouer à des jeux vidéo.

Le retrogaming est donc l’action de jouer et à des jeux anciens.

Mais le retrogaming, c’est aussi bien plus que ça !

N’y a-t-il pas quelque chose de plus ? De la nostalgie ? Des émotions ?

N’y a-t-il pas aussi un désir de se cultiver comme avec un classique de la littérature ou du cinéma ?

Le retrogaming, c’est aussi un phénomène de collection, de constitution d’une ludothèque de classiques, de titres fondateurs et emblématiques, ou simplement de titres auxquels on a joué lorsqu’on était enfant.

Le rétrogaming, c’est aussi et surtout ce phénomène qui revendique le jeu vidéo comme une culture et comme un art à part entière, constitué d’une histoire et d’un patrimoine qu’il faut préserver et diffuser.

Mais revenons-en à la définition première, celle qui s’en tient à l’explication étymologique du terme, à savoir : jouer à d’anciens jeux vidéo.

Et dans cette définition, il convient de définir à partir de quand un jeu est considéré comme ancien ?

Alors quand commence le rétrogaming ?

C’est un vaste débat, et tout le monde n’aura pas la même interprétation du terme ancien.

  • Certains vous diront que le retrogaming concerne tout ce qui se passe avant la 3D.
  • D’autres vous diront que le retrogaming concerne tout ce qui précède le support CD.
  • D’autres encore vous diront qu’un jeu est rétro lorsque deux générations de consoles le suivent. Partant de cette définition, on pourrait dire aujourd’hui que la Wii est rétro. Et je suis sûr que pour les plus jeunes d’entre vous, c’est le cas (amusez-vous à comparer les graphismes d’un jeu wii avec ceux d’un jeu Playstation 4).
  • D’autres vous diront que le retrogaming concerne tous les jeux vintage, c’est à dire les jeux qui ont plus de 20 ans.

Pour moi le jeu rétro est celui qui vous rend nostalgique

C’est cette petite musique que vous n’avez pas entendue depuis longtemps et qui vous rappelle des souvenirs de jeux à Mario Kart avec vos copains en rentrant du collège.

C’est ce souvenir de jouer à Tetris dans le car scolaire en colo.

C’est cette sensation que vous éprouvez lorsque vous soufflez dans une cartouche avant de l’insérer bruyamment dans la console pour lancer une partie.

C’est aussi la satisfaction d’avoir de bons jeux dans sa ludothèque, des titres devenus rares et recherchés, et qui sont reconnus comme de véritables classiques d’un support culturel devenu incontournable, voire comme des chefs d’oeuvre.

Le retrogaming c’est aussi tous les jeux vidéo qui peuvent servir de support à l’étude de la culture et de l’histoire du jeu vidéo.

Enfin, c’est aussi la conscience que le jeu vidéo est un art, un patrimoine, et qu’il doit être préserver et diffuser.

C’est pour cela que j’ai accepté de venir faire cette présentation.

Quand débute l’histoire des jeux vidéo

Demandons-nous aussi :

  • Quand commence l’histoire des jeux vidéo ?
  • Quel est le premier jeu-vidéo ?

Certains diront que l’Histoire du jeu vidéo débute en 1978 avec la commercialisation de la première console grand public : la célèbre Atari 2600 et les titres emblématiques Pong, Space Invaders, Pac Man, Asteroids, Moon Patrol, et j’en passe, et des dizaines…

D’autres parleront de l’Odyssey de Magnavox sortie en 1972 et qui est la première console à cartouches interchangeables.

console odissey magnavox

L’Odissey de Magnavox : la première console à cartouche interchangeables sortie en 1972

D’autres encore vous parleront de la Brown Box imaginée par Ralph Baer en 1966. Il a été le premier à penser à un système de jeu ludique et interactif sur téléviseur.

Sa brown box est d’ailleurs le prototype de la console Odissey de Magnavox.

D’autres encore vous parleront de Willy Higinbottam, ce phisycien américain qui créa un jeu de tennis sur oscilloscope en 1956 “Tennis for Two”.

Pour d’autres encore, l’Histoire des jeux vidéo débute avec Mario et Donkey Kong.

Et pour les plus jeunes, elle débute avec la Playstation et la Xbox !

La frontière est donc large et très subjective.

Et l’Histoire des jeux vidéo est un sujet dont on pourrait parler pendant des heures sans même avoir le temps d’évoquer le quart des consoles et des titres qui constituent cette histoire.

Aujourd’hui, nous avons une heure à passer ensemble. Je ne pourrai donc pas vous faire une présentation exhaustive de l’Histoire des jeux vidéo. Et d’autant moins que j’aimerais conserver un peu de temps à la fin de cette conférence pour répondre à vos questions et peut-être jouer en live à certains titres dont je vous parlerai au cours de cette présentation.

Je me suis donc dit que le meilleur moyen de vous parler du retrogaming et de l’histoire des jeux vidéo, c’est de vous parler de ma petite histoire du rétrogaming.

Pour cela, je vais commencer par me présenter.

Qui suis-je ?

Je m’appelle Valentin, j’ai 37 ans, et j’ai deux enfants à qui je fais découvrir les jeux vidéo à travers mes vieilles consoles plutôt que sur un écran de portable avec “Cours Tom”.

Fondateur de France Retrogaming

Je suis le fondateur de France Retrogaming, un forum qui rassemble les collectionneurs de jeux vidéo et les passionnés de rétrogaming depuis 2008.

France Retrogaming c’est une communauté de plus de 3500 membres qui a posté plus de 400 000 contributions dans son forum.

Auteur du blog link-tothepast.com

Je suis également l’auteur du blog Link To The Past sur lequel je partage mes collections et mes passions depuis 2009.

J’y parle des jeux que j’ai aimés, des belles pièces de ma collection de jeux vidéo, de mes trouvailles de brocante et vide-greniers ; j’y parle aussi des livres et films que j’ai aimés.

Bref, c’est un blog personnel avec une bonne dominance de rétrogaming.

Auteur d’un ebook

Je suis aussi l’auteur d’un ebook intitulé “Comment les jeux vidéo sont devenus des objets de collection”.

Parce que le rétrogaming, ce n’est pas que le fait de jouer à d’anciens jeux vidéo, c’est aussi le fait de les collectionner, de disposer d’une collection comme on possède une bibliothèque de livres qu’on a lus et avec lesquels on s’est construit à différentes époques de notre vie.

Cet ebook de plus de 100 pages est gratuit, vous pouvez le télécharger librement sur mon blog.

Il a été téléchargé plus de 5000 fois, et les extraits ont été lus plus 100.000 fois sur mon blog.

Voilà pour ma présentation en tant qu’acteur dans le monde du retrogaming.

Mais j’aimerais aussi vous parler du joueur que je suis.

Grand fan de Zelda

Je suis aussi et surtout un grand fan de Zelda.

Un fan des premières heures. Un fan depuis le premier épisode sorti en 1986 au Japon et en 1989 en France.

Je me rappelle de ma première rencontre avec ce jeu, dans une grande surface. Un encadré dans le coin supérieur gauche de la boite dorée, laissait entrevoir une cartouche en or.

Cartouche The Legend of Zelda Nes

Une cartouche en or pour un jeu en or

Un véritable trèsor !

Ce jour là je suis rentré avec ce jeu à la maison. Et je ne l’ai pas lâché pendant 2 ans, c’était quasiment le seul jeu auquel je jouais.

Un jeu révolutionnaire sur de nombreux aspects

Le premier jeu a incorporé une pile de sauvegarde.

Cela peut paraître banale aujourd’hui de sauvegarder sa partie, mais remettons-nous dans le contexte de l’époque pour mesurer pleinement cette avancée.

Plus besoin de recommencer à zéro à chaque nouvelle partie ! Cette innovation va permettre aux développeurs de proposer une durée de vie du jeu beaucoup plus longue ! Une véritable aventure.

Ce Zelda innove aussi grâce à son double système de scrolling horizontal et vertical qui simule une 3D et qui invite à l’exploration. L’exploration qui est un principe que nous retrouverons dans chacun des nombreux épisodes suivants de la Saga The Legend of Zelda.

C’est aussi dans ce premier Zelda que l’on voit apparaître la jauge de vie, l’inventaire qui permet d’assigner différentes armes et objets sur un même bouton (eh oui ! il fallait de l’ingéniosité pour proposer un gameplay sophistiqué avec seulement deux boutons d’action sur la manette).

Mon histoire avec ce premier Zelda

Pourquoi j’y ai joué 2 ans ? Eh bien parce qu’il m’a fallu 2 ans pour le finir !

Ma cartouche déconnait, et mes parties n’étaient pas toujours sauvegardées. Il me fallait donc régulièrement recommencer ma partie à zéro.

J’en pleurais parfois en allumant ma console et en voyant que l’écran d’accueil me demandait d’enregistrer mon nom pour créer une nouvelle partie alors que j’en étais au donjon 6 !

Du coup j’en venais à quelque chose que certains d’entre vous ont sûrement connu : je laissais ma console allumée des semaines entières pour être sûr de ne pas perdre ma partie.

J’ai beaucoup joué à ce jeu avec mon père à l’époque ! Et c’est sans doute aussi pourquoi j’ai tant d’affect avec ce titre.

Si j’ai mis 2 ans à le terminer, c’est aussi car nous vivions dans une époque sans Internet et sans soluce.

Certaines énigmes étaient vraiment compliquées en plus d’être énoncées en anglais, et certains donjons restaient introuvables !

Mon temps de jeu ne se résumait plus qu’à errer dans ce bon vieil Hyrule de 1989, à poser des bombes et à brûler des buissons dans l’espoir de trouver une caverne qui me mènerait au donjon introuvable.

Sur la cartouche était inscrit : Acceptez l’ultime défi d’une aventure interminable. Eh bien je l’avais accepté.

Je vous parle de tout ça pour démontrer à quel point certains de ces univers vidéoludiques peuvent être marquants par de nombreux aspects.

De la même manière qu’avec un beau livre ou un bon film, on peut se construire avec un beau jeu vidéo.

Mais revenons à notre histoire du jeu vidéo.

Au milieu des années 1970 et jusqu’aux débuts des années 1980, le jeu vidéo se résumait surtout aux bornes d’arcade !

Une époque que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître

Bien qu’un très grand nombre de consoles de salon furent créées dans ces années-là, seule la console d’Atari (la VCS) sortit son épingle du jeu (si je puis me permettre l’expression :P)

Pourtant, on dénombre pas moins de 700 consoles produites rien que pour l’année 1977 (ces consoles sortaient pour la plupart des variantes du jeu de Pong).

console seb pong

La console TELESCORE de SEB (c’est bien)

On jouait aux jeux vidéo dans la salles d’arcade ou les bars, et comme pour les flippers, les bornes d’arcade étaient affublées d’un monnayeur, ce qui les rendait inaccessibles aux moins de 16 ans non accompagnés.

Anecdote intéressante : la borne d’arcade Space Invaders fut responsable d’une pénurie de pièces de 100 Yens au Japon en 1982

Autre anecdote intéressante : l’accélération des vaisseaux aliens au fil du jeu Space Invaders est due à un bug que les développeurs n’ont pas voulu corriger. En effet, plus vous détruisez de vaisseaux aliens, plus les vaisseaux restants se rapprochent rapidement. Ce n’est pas une volonté des développeurs mais simplement le fait que plus vous tuez d’aliens, moins il en reste, et la machine peut faire ses calculs plus rapidement puisqu’il reste moins de sprites à l’écran. Ce bug est sans doute en partie responsable du succès de ce titre.

space invaders

Space Invaders

Le krach

Puis il y a eu le krach de 1983 dont les causes sont multiples : un système de production et de distribution inadapté, l’arrivée de l’ordinateur personnel plus puissant qu’une simple console…

Ce n’est qu’en 1987 que le marché reprendra ses esprits avec une toute nouvelle configuration mondiale du marché des jeux vidéo : le Japon devenu leader sur le marché avec en tête la firme Nintendo et sa console Nes (appelée Famicom au Japon pour Family Computer).

Le saviez-vous ? Nintendo est une firme qui existe depuis 1889. Elle produisait des cartes à jouer. Ce n’est que dans les années 1970 qu’elle s’est mise à produire des jouets, puis des jouets électroniques, et enfin des jeux vidéo.

Nous arrivions à l’ère des consoles 8 et 16 bits.

Une ère fondatrice du jeu vidéo d’aujourd’hui.

L’ère 8/16 bits réunit les consoles Nintendo Nes, Super Nintendo, Master System, Megadrive, PC-Engine et également Neo Geo pour ne citer que les plus connues.

Des consoles devenues mythiques car elles ont chacune porté un très grand nombre de titres devenus cultes et à l’origine de grandes licences du jeu vidéo telles que Mario, Donkey Kong, Zelda, Metal Slug, Ecco The Dolphin, Final Fantasy, Metal Gear Solid… qui sont encore adaptées aujourd’hui.

Une richesse qui a séduit un grand nombre d’enfants et d’adolescents à l’époque et qui continue de séduire les adultes qu’ils sont devenus aujourd’hui.

Le jeu vidéo était bien différent

L’industrie se découvrait et le jeu vidéo s’inventait.

Les firmes cherchaient toujours a inventer de nouveaux accessoires, de nouveaux gameplay, souvent au détriment de l’aspect ludique du jeu.

Bien souvent, les limites techniques des consoles devaient être contournées par les développeurs afin de proposer des jeux toujours plus innovants et visuels.

Le graphisme était à l’époque le nerf de la guerre !

Nintendo VS Sega

Et les deux plus grands acteurs de l’époque se livraient une guerre marketing sans pitié, un peu à la manière de Coca et Pepsi, pour conquérir les plus grandes part de marché.

Alors que Nintendo était déjà solidement ancré sur le marché avec son petit plombier rondouillard et moustachu, Sega ripostait avec son hérisson bleu, beaucoup plus cool, un peu rebel, et qui essayait de ridiculiser Mario et les consoles Nintendo.

pub megadrive 1992 mega c'est plus fort que super

Pub megadrive de 1992 : Mega c’est plus fort que Super

Le jeu vidéo, c’est le Mal

C’était également une époque où le jeu vidéo était décrié par les médias, les médecins, les professeurs, les parents…

C’est toute la société qui considérait ce nouveau support de jeu comme un sous-média nocif pour le cerveau des enfants.

Alors bien sûr, comme pour tout, les excès sont mauvais. Un enfant ne peut pas passer 12 heures par jour devant un écran pour jouer à un jeu vidéo sans conséquence.

Mais cette minorité se répercutait sur l’ensemble du média ; et défendre le jeu vidéo en tant que support culturel, éducatif, ou même artisitique était très difficile.

Pourtant, très vite, ce média a généré plus de chiffre d’affaires que le cinéma et la musique réunis.

Mais encore aujourd’hui, le jeu vidéo est encore trop souvent associé à une source de violences gratuites et d’abrutissement plus que comme un support culturel à part entière.

Des univers mythologiques riches qui développent l’imaginaire

Mais aujourd’hui, il faut considérer plusieurs choses :

  • le jeu vidéo a su développer de nombreuses technologies,
  • de nombreux univers mythologiques riches et complexes,
  • de nombreux personnages devenus cultes et faisant partie de la culture populaire.

Le jeu vidéo est désormais considéré par beaucoup comme le 10ème Art !

Le CD et la 3D

Puis sont arrivés le support CD et la 3D.

Certes nous avions déjà vu certaines consoles proposer le format CD comme la Philips CDi, l’extension Mega-CD de la Megadrive…

D’autres avaient aussi réussi à contourner les limites technologiques des machines pour proposer des jeux en 3D (le mode 7 auquel on doit les Super Mario Kart, Pilotwings ou F-Zero – entre autres nombreux titres).

PS1 pour les intimes

Puis est arrivée la Playstation.

Saviez-vous qu’à l’origine la playstation était une commande de Nintendo auprès de Sony pour développer une extension CD à la console Super Nintendo.

Elle fût finalement refusée par Nintendo après son développement, pour privilégier un partenariat avec Philips. On se rappelle du pire massacre de l’Histoire des licences Zelda et Mario sur la CD-i.

Zelda cdi philips

Zelda et Link massacrés sure Philips Cd-i (Image : Gameinformer)

Quelle erreur de Nintendo !

Pas de problème pour Sony : puisqu’ils avaient dépensé en Recherche et Développement, ils allaient sortir leur propre console, avec le succès qu’on lui connaît aujourd’hui puisque nous aurons bientôt une PS5 !

Cette playstation est arrivée sur le marché comme une révolution, avec des titres phares comme Tomb Raider, Ridge Racer, Gran Turismo, et Resident Evil.

Resident Evil, un jeu qui allait révolutionner le Survival Horror

Resident Evil est réalisé comme un véritable film d’horreur angoissant : la caméra est fixe et propose un angle de vue différent dans chaque pièce, il faut faire attention à ne pas gaspiller ses munitions qui sont très limitées… Tout est fait pour vous plonger dans une ambiance angoissante.

Ceux qui ont joué à ce titre à l’époque s’en rappellent très bien !

Le jeu vidéo devenait alors un nouveau type de divertissement : celui qui vous immergeait par tant de réalisme.

Bien sûr, cela reste aujourd’hui très relatif car n’importe quel joueur trouvera les graphismes du premier Resident Evil mauvais et les courbes de Lara Croft un peu trop géométriques.

Tomb Raider Lara Croft PS1 1996

La poitrine de Lar Croft en 1996

Mais pour l’époque, c’était une véritable révolution.

Je vous parle de ces consoles car elles ont à mon sens dessiné les contours des jeux vidéo tels que nous les connaissons aujourd’hui.

Je pourrais continuer à vous parler des consoles suivantes, de la Gamecube, de l’arrivée de Microsoft sur le marché avec la Xbox, de la mort annoncée de Nintendo en 2005 qui, contre toute attente, mit tout le monde à l’amende avec sa Wii et sa DS.

Mais je ne veux pas vous proposer une présentation linéaire de l’Histoire des jeux vidéo pour parler de retrogaming.

Le retrogaming, c’est plus que l’histoire des jeux vidéo.

C’est aussi et surtout une manière d’apporcher le jeu vidéo en tant qu’Art et en tant que Culture.

Comment le jeu vidéo est devenu une culture

Le jeu vidéo, les univers et les personnages qui en ont découlé ont connu un tel succès (40 millions d’exemplaires du premier Super Mario Bros sur Nes vendus dans le monde) que toute la société se les ait appropriés.

Il n’est pas rare de voir utiliser des concepts de jeux vidéo comme Pac Man dans la Publicité.

On a même vu un candidat aux élections présidentielles françaises de 2012 (François Bayrou) se mettre en scène dans un jeu vidéo aux allures rétro.

Aujourd’hui, le jeu vidéo est devenu une thématique de Questions pour un Champion.

Plusieurs maisons d’édition comme Pix’n Love ou Omaké Books sortent régulièrement des ouvrages pointus sur le sujet.

Tous les magazines et sites d’actualité du jeu vidéo ont une section retrogaming.

Le magazine Collectionneur et Chineurs dispose de sa rubrique Mix Retrogaming.

Le jeu vidéo attire un public de plus en plus large

Chaque année, le rétrogaming est à l’origine de nombreux événements et expositions.

En 2013, le jeu vidéo a fait son entrée au MOMA (Musée d’Art Moderne) de New York.

Mais comment le jeu vidéo est-il devenu si populaire ?

Le rôle du produit dérivé

Un produit dérivé est un produit créé pour exploiter la notoriété d’une oeuvre intellectuelle.

Georges Lucas l’avait bien compris avec Star Wars.

Plus une oeuvre génère de produits dérivés, plus elle est sujette à entrer dans la culture populaire.

Le jeu vidéo est doublement un support à produit dérivés : on peut adapter un film en jeu vidéo (exemple harry potter, Jurassic Park il y en a des tonnes…)

Mais aujourd’hui on adapte aussi beaucoup les jeux vidéo au cinéma.

Pour en savoir plus sur le rôle du produit dérivé.

Un véritable patrimoine

Certains parlent de préservation du patrimoine vidéoludique. On est bien dans le champ lexical de la culture avec le terme “patrimoine“.

Il existe des associations comme Mo5 (dont le nom est choisi en référence au légendaire micro-ordinateur Thomson Mo5) ou Silicium qui font un travail remarquable d’accumulation, de restauration, de stockage et d’archivage du matériel informatique et des logiciels.

Et même de la culture numérique !

Pensez-y une minute : les composants électroniques des consoles ont une durée de vie, et aujourd’hui de nombreuses consoles sont devenues difficiles à trouver en état de fonctionnement.

Alors quid des jeux sortis sur ces consoles ? Quid de ces aventures, de ces énigmes, de ces personnages, de ces univers ?

Il faut les préserver !

Comme on préserve les ouvrages publiés dans une bibliothèque !

D’ailleurs depuis 1992, la BNF (bibliothèque nationale française) archive tous les jeux vidéo qui sortent en France.

Dans ce travail d’archivage, il y a un autre élément à prendre en compte : un jeu vidéo est non seulement une aventure et un défi virtuels, mais c’est aussi un objet composé de nombreux éléments : une boite souvent décorée d’un bel artwork avec pour objectif premier : faire vendre le titre.

On choisissait nos jeux à la jaquette

Un jeu, on le choisissait beaucoup à la boite : j’ai choisi Zelda parce que la boite était dorée et qu’on voyait une cartouche en or à travers.

Les packaging étaient donc souvent travaillés (sauf sur Master System – on se demande qui était responsable marketing chez eux…)

Mais un jeu était aussi composé d’une cartouche, d’une notice, parfois d’une carte, d’un guide ou d’un livret complémentaire.

Regardez A Link to the past !

zelda a link to the past snes mint

Une boite, une notice, une carte, un livret des secrets…

Mais à l’époque, ce qui comptait pour les gamins, c’était la cartouche !

On déchirait parfois la boite en ouvrant le jeu qu’on attendait depuis des mois. On ne regardait pas vraiment la notice car elles étaient très minoritairement intéressantes.

Il en résulte que peu d’exemplaires complets en excellent état sont encore en circulation aujourd’hui.

Et vous connaissez les collectionneurs, l’état est très important !

Alors quand un exemplaire du premier Zelda est complet en état correct, c’est rare. En très bon état, c’est encore plus difficile à trouver !

Les boites sont en carton, fragiles, soumises aux dégâts du temps, à l’humidité… et aux enfants pas toujours très soigneux.

Le “très bon état complet” c’est le graal pour le collectionneur.

Enfin le graal non… Le graal c’est le jeu neuf sous blister.

zelda nes ebay blister

EBAY : Envolée aux enchères du premier Zelda sous blister

Le jeu vidéo à Drouot

Eh oui, désormais il y a des ventes aux enchères dédiées au jeu vidéo à Drouot depuis 2013 ! Avec des jeux qui atteignent des sommets !

Alors comment ces jeux ont trouvé un public de collectionneurs ?

Il y a de nombreuses causes à cela.

On peut déjà l’expliquer par les différents éléments qui composent un jeu,

Nostalgique : on a envie de retrouver les jeux qu’on a eus dans notre enfance.

  • A l’époque, dès que la nouvelle génération de console arrivait, on vendait notre ancienne console et tous nos jeux pour 3 francs 6 sous chez Micromania ou Score Game pour s’offrir la dernière console.
  • L’émergence d’Internet et des sites de vente en ligne ont permis de rendre l’offre accessible plus facilement.

Internet a aussi jouer un rôle dans la diffusion de la culture du jeu rétro avec des Youtubeurs comme le Joueur du Grenier pour ne citer que lui, mais aussi et surtout grâce à des sites dédiés au retrogaming, et bien sûr à l’émulation.

L’émulation

L’émulation, je dois vous en parler.

Elle a joué un rôle non négligeable dans le développement de la culture du jeu vidéo, et surtout du retrogaming.

L’émulation consiste à substituer un matériel informatique par un logiciel.

Dans le jeu vidéo, un émulateur est donc un logiciel qui permet de faire fonctionner des jeux sur celui-ci.

On retrouve des émulateurs d’Atari 2600, de Super Nintendo, de Megadrive, de Game Boy… et même de consoles beaucoup plus récentes.

Grâce à l’émulation, c’est tous les catalogues de jeux de toutes les consoles qui se retrouvent accessibles à partir d’un ordinateur.

Bien sûr ce n’est pas vraiment légal. Pour être dans la légalité, vous devez posséder le titre original lorsque vous téléchargez son logiciel pour y jouer sur un émulateur installé sur votre ordinateur.

Mais pendant longtemps, l’émulation a été le seul moyen de rejouer à ces anciens jeux.

Le seul moyen du fait de l’obsolescence des consoles qui après 30 ans ne fonctionnaient plus.

Du fait aussi des évolutions technologiques : une atari 2600 se branchait sur la prise antenne des téléviseurs, donc même si vous aviez la chance d’avoir encore votre Atari en état de fonctionnement, il vous faut également une vieille télé cubique avec prise antenne pour pouvoir y jouer.

L’émulation a donc rendu disponibles pour tous, les jeux sortis sur les anciennes consoles, quand les éditeurs s’en fichaient complètement.

Ça a été un moyen de découvrir les jeux auxquels on n’avait pas pu jouer à l’époque, et ceux dont on avait jamais entendu parler.

Une découverte infinie ! Un champs d’exploration immense.

L’émulation a contribué à faire de ces anciens titres oubliés de grands classiques qui ont connu une seconde vie, notamment auprès des plus jeunes. Il y a une véritable prise de conscience de l’importance du retrogaming dans le monde du jeu vidéo aujourd’hui !

Et le marché l’a bien compris…

Regardez combien de mini-consoles ont été rééditées ces dernières années (mini-nes, mini-snes, mini-md, mini-ps1, neo-geo-x) ?

C’est ainsi qu’est né le Néo Rétrogaming

Le NéoRetrogaming, c’est le fait de s’inspirer de jeux anciens pour produire de nouveaux jeux.

C’est aussi le fait de produire des jeux sur d’anciennes consoles.

Oui vous avez bien lu ! Il y a aujourd’hui de nombreux passionnés et même des studios indépendants qui développent de nouveaux jeux sur des consoles qui ne sont plus commercialisées depuis des décennies.

Vous pouvez donc jouer à des jeux récents ou des néorétrogame sur Commodore 64, Intellivision, Sega Mégadrive, Nintendo Nes, Super Nes, NIntendo 64, Dreamcast…

Mais le néo-retrogaming c’est aussi le fait de s’inspirer de jeux anciens pour produire de nouveaux titres.

Conclusion

Le rétrogaming, bien plus que le fait de jouer à d’anciens jeux, c’est avant tout une question de souvenirs et d’émotions.

C’est aussi une branche du jeu vidéo qui permet d’en comprendre l’Histoire et de l’appréhender comme une culture et comme un art dont il faut préserver le patrimoine.

J’aimerais terminer avec une question qui pourrait faire l’objet d’une autre conférence à elle seule : les jeux d’aujourd’hui seront-ils les jeux rétro de demain ?