Salut tout le monde, voilà quelques mois que je n’ai rien publié sur mon blog, mais cette nouvelle marque un tournant dans l’histoire et dans la culture du retrogaming, et je ne pouvais pas rester silencieux, même en plein mois d’août. Emuparadise, le plus célèbre site de téléchargement de ROMs, vient d’annoncer retirer l’entièreté de son catalogue de ROMs Nintendo téléchargeables de son site web. 

Alors on ne tombe pas des nues non plus car il y a quelques semaines, Nintendo avait déjà fait plier les sites de téléchargements de ROMs LoveROMs et LoveRetro, mais tout de même… C’est un sacré coup ! EmuParadise anticipe et retire lui aussi son catalogue de ROMs et d’ISOs.

Il faut dire que Nintendo avait frappé fort en portant plainte contre Jacob Mathias (propriétaire des sites LoveROMs et LoveRetro). La firme réclamait 150 000 $ de préjudice par titre disponible en téléchargement et 2 millions de dollars par licence.

Conséquence : les deux sites ont fermé aussitôt.

Récemment aussi, c’est un émulateur Game Boy Advance qui a été supprimé de Github à la demande de Nintendo.

Bref, ça commence à être la guerre, et ça sent le début de la fin.

Maintenant…

C’est au tour d’EmuParadise

Mercredi (le 8 août 2018), c’est le site EmuParadise qui a décidé de retirer ses ROMs Nintendo afin d’éviter d’éventuels problèmes de justice.

emuparadise

EmuParadise décide de retirer ses ROMs et ISOs

Voici les paroles du fondateur du site dans un article sobrement intitulé “Emuparadise is changing” :

J’ai créé EmuParadise il y a dix-huit ans parce que je n’avais jamais eu l’occasion de jouer à la plupart de ces incroyables jeux rétro quand je grandissais en Inde, et parce que je voulais que d’autres gens puissent y avoir accès.

Pourquoi Nintendo se réveille aujourd’hui ?

Avec le succès de la Mini-Nes (plus de 3,52 millions d’exemplaires vendus dans le monde) et de la Super-Nes-Mini, Nintendo a réalisé que son catalogue de vieux jeux vidéo valait de l’or !

Mais la Mini-Nes aurait-elle eu ce succès sans le travail d’archive et de mise à disposition de ces catalogues de jeux auprès de tous les passionnés et curieux ? Auprès des plus jeunes ? Créant ainsi un véritable intérêt chez tous les joueurs pour les anciennes ludothèques ?

Si depuis les années 2000, les sites consacrés aux retrogaming (parmi lesquels les sites de téléchargement de ROMs) ont contribué à donner une seconde vie aux anciens jeux, ils ont aussi contribué à développer et à diffuser une véritable culture du rétrogaming.

Il va désormais falloir passer à la caisse…

Une deuxième vie… commerciale

Si pendant longtemps, le seul moyen de jouer à un ancien jeu pour celui qui n’avait pas la console était l’émulation de ROMs sur son PC, aujourd’hui avec l’essor des smartphones et des services de streaming, ces vieux jeux récupèrent une seconde vie commerciale.

Maintenant que le retrogaming s’est démocratisé et que tout le monde est sensibilisé aux catalogues rétro et aux perles vidéo-ludiques du passé, il est désormais temps pour l’éditeur historique de faire valoir ses droits et de profiter de cette manne du retrogaming.

Légalement, Nintendo est dans son bon droit, évidemment. La loi n’est pas du coté de ceux qui téléchargent et émulent.

Mais moralement ?

Soyons honnêtes ! C’est aussi grâce au téléchargement que certains vieux titres ont pu (re)trouver un public aujourd’hui.

Je doute beaucoup que des titres comme Chrono Trigger ou Secret of Mana aient pu être si populaires aujourd’hui s’ils n’avaient pas été longtemps accessibles en téléchargement.

C’est aussi grâce à l’émulation que nous pouvons jouer à des titres rares, méconnus, ou traduits.

L’émulation a permis à de nombreux joueurs de vivre et partager leur passion des vieux jeux vidéo devenus pour beaucoup difficilement trouvables, très chers, ou alors obsolètes.

Faut-il rappeler le syndrome de la NES qui clignote ?

Aujourd’hui 90% des consoles Nintendo Nes ne fonctionnent pas si elles n’ont pas été restaurées avec un nouveau connecteur pins.

Alors Nintendo ? Comment on fait pour jouer à sa cartouche Solar Jetman sans émulateur ?

A Nintendo de rendre accessible son catalogue

Jamais aucun éditeur n’avait mené telle guerre sur Internet pour des jeux qu’il ne commercialisait plus.

On sait que Nintendo est une machine à fric, et tant mieux pour Nintendo. Longue vie à Nintendo !

Mais attention tout de même à ne pas malmener les fans.

Le vent peut vite tourner. Il suffit d’une génération de console.

Si Nintendo veut empêcher la diffusion gratuite des anciens titres, alors c’est tout le catalogue que l’éditeur doit s’engager à rendre accessible ; pas seulement les titres rentables.

Et il ne s’agit pas de “préservation du patrimoine vidéo-ludique”

Il s’agit de respect pour les joueurs et pour les fans ; il s’agit d’avoir un “bon comportement”.

Nintendo pourrait proposer l’accès à l’entièreté des catalogues pour chaque ancienne console, moyennant un forfait – un peu à la Netflix ou à la Spotify – et non pas seulement les Mario, Donkey Kong and co, à 9 euros le titre.

Je trouve ça inadmissible d’empêcher la diffusion des vieux titres qui ne sont plus exploités commercialement.

Internet a favorisé le développement de la culture et le partage des connaissances. J’éprouve à chaque fois un grand sentiment d’injustice lorsque certains veulent verrouiller l’accès aux connaissances et à la culture.

Au delà du coup porté à la diffusion de la culture du rétrogaming, c’est encore un coup porté à cette pseudo-liberté-restante du Net de plus en plus restreinte.

Même s’il faut l’avouer, quelque part, nous savions tous que c’était illégal, et qu’un jour, les ROMs de nos anciens jeux ne seraient plus accessibles si facilement ; si ouvertement devrais-je même dire…

Mais toutes ces années, Nintendo n’a rien fait pour rendre accessibles ses anciens titres.

Nintendo est une entreprise fabuleuse qui suscite énormément d’émotions, de nostalgie, d’affect chez des millions de personnes qui ont des souvenirs d’enfants, des souvenirs précieux avec la marque.

Nintendo devrait se rendre digne de cet honneur et de cette responsabilité.

Pour l’instant, Big N fait passer le message qu’il ne veut pas qu’on joue à ses jeux, même ceux qui ne sont plus exploités, sans qu’on paye, encore.

Et je trouve ça naze de la part de Nintendo.

Maintenant, à eux de rendre accessible leur ludothèque.

J’attends de voir.

Alors est-ce le début de la fin ?

Non. Cette chasse aux ROMs n’est qu’une prise de position de Nintendo sur le sujet mais on sait vous et moi qu’on pourra télécharger n’importe quelle ROM pas trop difficilement.

EmuParadise est loin d’être la seule source et d’ailleurs les archives s’échangent aujourd’hui beaucoup par full-set, d’individu à individu (sur des groupes facebook par exemple).

Le titre de l’annonce d’EmuParadise (“EmuParadise is changing“) aurait aussi pu être “Emulation is changing“.