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De sous-média nocif à Dixième Art, des salles d’arcade enfumées aux prestigieuses maisons de vente et aux musées d’art moderne, comment les jeux vidéo son devenus de véritables objets de collection ?

Je continue la publication de mon dossier sur la collection et les collectionneurs de jeux vidéo.

Au cours des derniers articles, nous avons  commencé à mettre en avant les éléments qui façonnent le décor dans lequel le jeu vidéo devient un objet de collection. Nous allons continuer.

Si le jeu vidéo est devenu une véritable culture, il convient d’approcher ce phénomène de plus près. Nous allons donc prendre le temps d’observer l’importance que le jeu vidéo occupe désormais dans notre culture. De quelle manière et sur quels terrains culturels le jeu vidéo s’épanouit ? Quels sont les effets dans le domaine de la collection ? 

L’épanouissement culturel du jeu vidéo

Comme je l’expliquais en introduction de ce dossier, le marché des jeux vidéo pèse plus lourd en terme de chiffre d’affaire que les industries du cinéma et de la musique réunis. Je pense qu’il n’y a pas plus parlant que cet exemple étant donné l’importance de ces deux médias dans la culture de notre société.

Au delà de ces constatations économiques, il faut insister sur le fait que désormais la culture des jeux vidéo s’adresse à tout le monde, il est devenu une thématique de “Questions pour un Champion” !

Le jeu vidéo a su séduire toutes les générations en proposant de nouveaux types de divertissement. Nous l’avons vu notamment lorsque nous parlions du casual-gaming, mais nous pouvons aussi évoquer une nouvelle forme de jeux qui se propage dans les milieux éducatifs et pédagogiques : le serious-gaming.

Le serious-gaming (jeu sérieux) : est un concept de jeu qui porte une intention pédagogique ou informative transmise par le biais de l’interaction et du divertissement.

On y associe par exemple les jeux vidéo qui proposent des entraînements cérébraux, ou encore des séances de gymnastique… Je prends ces exemples car ils parleront à tous les lecteurs, mais le serious-gaming s’étend également dans les domaines scientifiques. Grâce à ces nouveaux concepts, le jeu vidéo s’est introduit jusque dans les maisons de retraite ; désormais toutes les couches de la population sont touchées par le jeu vidéo.

Ça n’a pas toujours été le cas… Longtemps décrié et dénoncé comme étant un sous média nocif pour le cerveau, le jeu vidéo est aujourd’hui devenu un véritable sujet culturel qui s’adresse à tous.

De nombreux personnages de jeux vidéo sont connus de tous, dans le monde entier. A tel point qu’ils sont régulièrement utilisés à des fins marketing en dehors du domaine des jeux vidéo. Je prends un exemple d’actualité : nous approchons de Pâques au moment où je rédige cet article, et pour l’occasion, Jeff de Bruges (le chocolatier) a lancé une campagne publicitaire inspirée du célèbre jeu Pac Man en faisant un subtil jeu de mot : “Pâques Man” sur un fond d’affiche reprenant les graphismes du jeu. Je prends cet exemple car c’est le dernier en date qui m’a interpellé, mais il y a bien sûr des centaines d’autres exemples similaires. Une publicité a plus d’effet si elle joue avec des icônes fortes, et ça tombe bien, aujourd’hui le jeu vidéo en regorge. Cet exemple démontre bien que les jeux vidéo peuvent inspirer les campagnes de communication de tout type d’activité. Citons encore un exemple assez parlant : François Bayrou, pendant la dernière campagne présidentielle, s’est représenté en héros de jeux vidéo 8 bitsbravant les vents des promesses intenables” pour sauver la France de la crise.

Si le jeu vidéo attire les communicants, c’est tout simplement parce qu’il attire un public de plus en plus large.

Depuis quelques années, nous avons vu des expositions dédiées au jeu vidéo et à son Histoire se multiplier dans toutes les grandes villes du monde. Elles ont du succès : elles attirent des personnes de toutes générations et de toutes les couches socio-professionnelles. A Paris, nous avons eu droit récemment à l’exposition GAME STORY au Grand Palais. Un peu plus tôt, au Musée des Arts et des Métiers cette fois-ci, l’exposition MUSEOGAMES présentait l’Histoire des consoles de jeux vidéo, et permettait aux visiteurs de découvrir ou redécouvrir de nombreuses consoles du passé en les mettant à disposition pour jouer. Et c’est sans parler des salons et des conventions qui réunissent chaque année des dizaines de milliers de visiteurs (Paris Game Week, Toulouse Game Show, Japan Expo…) Des associations comme Mo5.com ou Sillicium.org (pour ne citer qu’elles) fournissent un gros travail avec pour objectif la sauvegarde du patrimoine numérique, et la diffusion de cette culture.

Patrimoine. Voilà un terme que l’on applique désormais au jeu vidéo. Et oui, qui dit culture, dit patrimoine, et qui dit patrimoine dit… Musée. En effet, des  musées dédiés uniquement au jeu vidéo ont ainsi fait leur apparition, à Paris, à Berlin et plus récemment, le jeu vidéo a même fait sont entrée au Musée d’Art Moderne de New-York. Et qui dit musée, dit… Pièces de collection.

Continuons d’explorer les différents terrains culturels sur lesquels le jeu vidéo s’épanouit.

Si l’on croyait que Internet avait tué la Presse papier consacrée aux jeux vidéo, de nouvelles éditions consacrées uniquement aux jeux vidéo, à leur culture et à leur Histoire, font pourtant leur apparition. C’est le cas par exemple des éditions Pix’n Love qui consacrent un bi-mensuel et de nombreux ouvrages annexes aux jeux vidéo rétro. C’est aussi le cas du magazine anglais Retrogames.

L’industrie du jeu vidéo a produit un grand nombre de personnages et de sagas devenus mythiques. Les bandes originales des jeux vidéo sortent en CD ; les films sont bien sûr toujours adaptés en jeux vidéo, mais le contraire se produit de plus en plus ; les enfants ont droit aux peluches de leurs héros de jeux vidéo préférés ; et on peut manger un Menu Lapins Crétins chez Quick !

Il n’est plus anodin à la sortie d’un nouveau titre que soit proposée l’édition collector, comprenant la bande musicale du jeu, la figurine du héros, le guide de l’aventure, ou d’autres objets dérivés se rapportant au titre. Il existe également des milliers d’éditions limitées et numérotées de jeux vidéo.

Aujourd’hui le jeu vidéo intéresse tout le monde : petits, jeunes, vieux, entreprises, annonceurs… Et leurs concepteurs sont devenus des stars adulées dans le monde entier. Le 13 mars 2006, Shigeru Miyamoto se voyait remettre l’insigne de Chevalier des Arts et des Lettres par le Ministre de la Culture française.

Le jeu vidéo, plus que d’être entré dans la culture, plus que d’être reconnu comme une culture à part entière, est devenu un Art. Et si la bande-dessinée est le 9ème Art, le jeu vidéo ne tardera pas à être sacralisé 10ème Art.

Une telle importance dans la culture de notre société contribue bien évidemment à interpeller les collectionneurs.

Toutefois, il ne suffit pas qu’un objet ou une oeuvre devienne un produit culturel pour qu’il se dresse au rang des objets de collection.

L’exception qui confirme la règle

Il faut tout de même noter certaines exceptions. En effet, de nombreux objets de la culture populaire ne sont pas pour autant des objets de collection. Il existe de nombreux exemples, je vais en prendre un qui appartient au jeu vidéo pour illustrer ces exceptions.

Un des biens culturels les plus vendus de tous les temps est le jeu Pro Evolution Soccer (PES) appelé aussi International Super Soccer (ISS) jusqu’en 2000.

Ce titre, sorti pour la première fois en 1997 sur la Playstation de Sony, a eu un succès phénoménale et fait partie des jeux les plus vendus au monde. Avec le dernier titre de PES édité en 2012 (sur Playstation 2, PC, PSP, Xbox 360, Wii, Nintendo 3DS, et PS3 -rien que ça), on ne compte pas moins de dix-sept épisodes de PES, soit un nouveau titre chaque année.

Malgré cet énorme succès, décliné sur presque toutes les consoles depuis la Nintendo 64, et joué dans le monde entier, la série des PES n’est absolument pas recherchée par les collectionneurs. Les jeux PES ne valent guerre plus de quelques euros une fois que l’épisode suivant est sorti. Et ce phénomène s’applique à presque tous les jeux de sport, y compris les jeux de course (on peut également observer ce phénomène sur les jeux de guerre).

Pourquoi ce type de jeux, devenu pourtant si populaire, n’intéresse-t-il pas les collectionneurs ? Plusieurs explications s’avancent.

  • Chaque nouvel épisode propose le même divertissement que le précédent (à savoir un match ou une course) avec pour seules différences quelques améliorations techniques et nouvelles options disponibles. L’opus précédent perd donc tout son intérêt et devient invendable sur le second marché. On pourra tenter de me contredire en me disant que pour chaque nouveau titre d’une saga, la même chose se produit, mais la différence réside dans le fait que bien qu’un Super Castlevania IV soit plus aboutie qu’un Castlevania III, ce n’est pas la même aventure, le même divertissement qui est proposée. Le joueur de PES, lui, retrouvera les sensations éprouvées sur les précédents titres, tandis que le fan de Castlevania découvrira de nouvelles émotions qui le marqueront plus ou moins que dans l’aventure vécue précédemment.
  • Le titre s’est vendu à de telles quantités (bien culturel le plus vendu de l’année 2006) que les disponibilités sur le marché sont tout simplement énormes.

  • Les jeux de sport sont des jeux collectifs, multi-joueurs, l’aventure ou l’émotion du jeu est vécue à plusieurs. Elle se construit donc en fonction des autres joueurs. Elle est moins personnelle que le jeu solo d’aventure ou de plate-forme que l’on vit avec soi-même.

Voici donc l’exception qui confirme la règle : plus un objet devient culturel, plus sa tendance à être collectionné est importante.

Nous avons vu à quel point le jeu vidéo est un média épanouit dans notre culture, nous allons maintenant nous intéresser à un point qui, dans certains domaines de collection (et c’est le cas des jeux vidéo), joue un rôle essentiel dans le mécanisme de transformation d’un objet culturel en objet de collection : le produit dérivé.

Pour aller plus loin

Cet article a servi à l’écriture du livre « Retrogaming : Comment les jeux vidéo sont devenus des objets de collection ».

disponible sur amazon, consultez la page dédiée sur le blog pour plus d’infos.