Il y a quelques semaines lors d’un passage en librairie, j’ai trouvé par hasard le livre MindFuck de Christopher Wylie, la lanceur d’alerte de Cambridge Analytica. Je l’ai enquillé et quelques jours et je dois dire que j’ai été sidéré par les révélations qu’il y fait. Bien qu’on soit tous au courant qu’on vole nos données pour les exploiter, peu d’entre nous mesurent l’ampleur des conséquences.
Vous avez tous entendu parler de Cambridge Analytica, cette entreprise obscure qui a manipulé les données que détient facebook sur les Américains pour influencer leur vote et faire élire Donald Trump. Nous avons tous suivi cette audition surréaliste de Mark Zuckerberg. Certains l’ont suivie en live sur Facebook.
Malheureusement, la plupart d’entre nous l’a vu comme un énième scandale par lequel nous ne sommes finalement pas vraiment concernés, ou alors contre lequel nous ne pouvons pas faire grand chose.
Pourtant, l’élection de Trump a eu impact sur le monde entier. Cambridge Analytica est aussi à l’origine des campagnes de publicités sur les réseaux sociaux qui ont permis de faire voter le Brexit au Royaume-Uni. Et surtout, nous sommes tous concernés par le traitement de nos données et empruntes numériques.
C’est un véritable braquage que nous sommes en train de subir et personne ne fait rien ! On donne volontiers nos données contre quelques likes qui viennent flatter notre égo.
Le problème, c’est que cette histoire de données, c’est tellement abstrait, qu’on y fait pas attention. Pour nous tous, cela se traduit simplement par le fait que lorsque vous visitons le site de Zalando, on nous propose des publicités de paires de godasses sur Facebook.
Mais attention. Attention ! Cela va beaucoup, beaucoup plus loin !
Cerains se se croient malins parce qu’ils utilisent un bloqueur de publicités, d’autres se pensent à l’abri du vol de leurs données parce qu’ils utilisent un VPN. D’autres encore s’en fichent d’être surveillés car ils n’ont rien à se reprocher…
Quelles données ont-ils ?
Ils ont tout !
Facebook vous connaît mieux que votre mère , que votre femme, que votre soeur, que votre meilleur ami. Simplement parce que vous n’êtes pas la même personne avec votre mère qu’avec votre meilleur ami. Mais Facebook connaît les multiples facettes de votre personnalité.
Facebook vous connaît mieux que vous ne vous connaissez. Il leur a suffit de datas, de psychologie, et de tests pour acquérir ces connaissances précises.
Vous savez comment ça marche, mais seulement à peu près : en fonction des pages que vous aimez, des publications que vous likez, de la façon dont vous scrollez, et de milliers d’autres micro-données, vous êtes catégorisé dans différentes cases qui vont servir le ciblage publicitaire des annonceurs sur Facebook.
Il y a les catégories que l’on connaît comme : “18-25 ans” ; “habite en France” ; “Intéressé par les Arts”. Mais il y a aussi les catégories internes à facebook, celles que l’on ne connaît pas et dans lesquelles nous sommes tous classés : “vote à droite” ; “impulsif” ; “santé fragile” ; “fumeur” ; “xénophobes” ; “dépressif” ; “analphabète” ; “catholique” ; …
Que font-ils de nos données ?
En croisant vos données facebook avec d’autres sources, il est possible d’obtenir des catégories de profils psychologique très précis, et donc très influençables.
C’est ce qu’il s’est passé avec le scandale Cambridge Analytica. Pour la première fois, une entreprise a réussi à mettre les mains sur ces données, et à les exploiter, pour manipuler le résultat d’une élection, et pas n’importe laquelle, celle des élections présidentielles des États-Unis.
Il a suffit d’envoyer les bonnes publicités aux bonnes catégories de profils. On ne parle pas de publicités ciblées classiques, mais de manipulation de profils psychologiques identifiés. On parle de “fake news” : de fausses informations à forte viralité diffusées auprès des personnes les plus influençables pour qu’elles y croient, qu’elles se sentent visées, qu’elles soient influencées incitées à voter, faire pencher la balance dans le sens qu’ils souhaitent.
De quoi parlons-nous exactement ? On parle d’un petit nombre de personnes qui manipulent nos données pour influencer la culture et construire un monde de demain qui soit dans leur intérêt : un monde dans lequel nous leur avons “démocratiquement” donné le pouvoir.
Steve d’Amérique
Vous connaissez Steve Bannon ? Homme d’affaires américain, propriétaire de médias… Vous en avez forcément entendu parler, il a été le conseiller de Trump juste après son élection à la Maison Blanche. Eh bien ce monsieur est la personne qui a fait de l’entreprise Cambridge Analytica, cet outil de propagande 2.0. Savez-vous ce qu’a fait Steve Bannon après avoir été limogé de la Maison Blanche ? Figurez-vous qu’il a créé une fondation à Bruxelles – Le Mouvement – destinée à unifier les mouvements populistes d’Europe et faire déferler une vague nationaliste sur le Parlement européen. Heureusement il a échoué à rassembler. Mais pour combien sommes-nous encore l’abri ?
Il y a un documentaire que je n’ai pas encore vu : Steve Bannon le Grand Manipulateur.
Qu’est-ce que ce type-là vient foutre en Europe avec son Mouvement ? Si ce n’est essayer de contrôler les pouvoirs pour ses propres intérêts. “Steve d’Amérique“, comme le présente Christopher Wylie dans son livre, est un genre d’homme d’affaires geek, très cultivé et dangereusement visionnaire. Est-ce qu’il a d’ailleurs vraiment une vision du monde qu’il veut imposer ? Ou bien est-ce qu’il œuvre pour de sombres intérêts personnels et/ou financiers ? Peu-être faut-il encore y voir autre chose : une espèce soif mégalomane de pouvoir et d’influence ?
La démocratie en danger ?
La démocratie fout le camp un peu partout dans le monde, en tout cas le modèle a perdu de sa superbe, et des gars comme ce Steve Bannon comptent bien en profiter.
Peut-on d’ailleurs encore parler de démocratie lorsque les votes sont si influencés ?
On est quand même mal barré pour les décennies à venir… Ça sent pas bon !
Les tentatives de l’Europe pour protéger les données des utilisateurs sont minables et n’ont aucun effet. Finalement le RGPD ne sert qu’à pénaliser les grosses boites européennes mal préparées sur la question, sans jamais inquiéter les GAFAM qui se nourrissent de nos données (ou alors en leur infligeant des amendes équivalentes à 2 heures de leur chiffres d’affaires).
Et je ne veux entendre personne dire “Moi je m’en fiche de donner mes données, je n’ai rien à cacher“.
Attention car les conventions sociales bougent et ce qui est accepté aujourd’hui ne le sera peut-être plus demain. On n’avait pas besoin de cacher son homosexualité ou sa religion en Allemagne avant 1936. Mais inutile de vous faire un cours d’Histoire, la suite vous la connaissez.
Le pouvoir immense et le rôle croissant des GAFAM
Maintenant, imaginez ce qu’une entreprise a pu faire avec un accès partiel aux données que détient Facebook : faire élire un Président des Etats-Unis et faire sortir le Royaume-Uni de l’Europe.
Imaginez ce que pourrait faire Facebook. Imaginez ce que pourrait faire quelqu’un qui pourrait croiser la totalité données de Facebook, Amazon et Google…
Ces entreprises ont un pouvoir potentiel d’influence immense, insoupçonnable, inconcevable pour nos cerveaux – un peu comme les grands chiffres de l’univers. Et elles vont jouer un rôle de plus en plus important dans la géopolitique internationale de demain.
Les États sont déjà dépassés. Il faut se préparer. Mais pour cela, il faut déjà prendre conscience de la situation.
Pour aller plus loin :
- Je vous recommande de lire MindFuck, que j’ai trouvé bien écrit qui plus est et qui est disponible en livre de poche.
- Je vous invite à lire le rapport de la CIA sur le Monde en 2040.
Est-ce étonnant ? Les auteurs des années 40 avaient déjà prédit…
Un sorte de contrôle de la population mondiale…
C’est aussi ça le problème, ça n’étonne finalement pas grand monde.
Tout cela n’est pas assez concret pour être pris au sérieux.
Pourtant la réalité risque de vite dépasser la fiction des romans d’anticipation si on ne met pas en place des garde-fous.