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De sous-média nocif à Dixième Art, des salles d’arcade enfumées aux prestigieuses maisons de vente et aux musées d’art moderne, comment les jeux vidéo son devenus de véritables objets de collection ?

Dans l’article précédent, nous avons vu que les objets ou oeuvres qui s’intègrent à la culture populaire ont une tendance à devenir (ou à produire) des collectibles. C’est un contexte supplémentaire dans lequel le jeu vidéo devient un objet de collection, et c’est ce que nous avons cherché à mettre en avant au cours des derniers articles que j’ai publiés.

Je veux ici, mettre en relief le rôle que joue notre système de consommation, ainsi que ses mécanismes commerciaux, dans l’assimilation des jeux vidéo à des objets de collection. En effet, il y a un phénomène marketing dont nous devons parler si nous voulons mettre en valeur l’aspect collectible du jeu vidéo : le produit dérivé.

Produit dérivé : définition et généralités.

Il faut mettre en évidence un phénomène : celui du produit dérivé.
Le produit dérivé : est un produit créé pour exploiter commercialement la notoriété et la popularité d’une œuvre intellectuelle.
Les produits dérivés reprennent certains des éléments d’une oeuvre comme des personnages, des décors ou des images pour en faire un produit destiné à la vente. Généralement, les produits dérivés s’adressent aux enfants, ou en tout cas en majorité aux jeunes. Mais une partie de l’offre de produits dérivés, pour certaines licences, cible également les trentenaires. Les produits dérivés peuvent être des figurines, des puzzles, des vêtements, des jeux de société ou même des jeux vidéo…

Le jeu vidéo est doublement un support à produit dérivé

Pendant longtemps, on a vu toutes sortes de licences de film, de dessin animé, de manga ou de bande dessinée se produire en jeux vidéo. Les jeux vidéo comme Alien VS Predator, Tintin, Dragon Ball Z, Harry Potter… sont des produits dérivés de leurs oeuvres licenciées respectives. On observe ici que c’est le champs de recherche des collectionneurs d’autres supports que le jeu vidéo, qui s’étend aux jeux vidéo. Pour ceux qui prennent le dossier en cours : je veux dire ici que le collectionneur de Tintin verra ici un nouvel objet à se procurer (le jeu vidéo de Tintin). En cela, grâce aux produits dérivés, le jeu vidéo met déjà un pied dans les objets de collection. Mais en parallèle qu’étaient adaptées en jeux vidéo les grandes licences du cinéma ou de la BD, les univers du jeu vidéo eux aussi se déclinaient en produits dérivés. De grandes licences du jeu vidéo comme Final Fantasy ou Super Mario Bros ont donné naissance à de très nombreux produits dérivés comme des figurines, des montres, des films, des peluches, des jeux de société… Au fil du temps où les produits dérivés de jeux vidéo se sont multipliés, de vastes domaines de recherche d’objets se sont formés autour de différentes oeuvres du jeu vidéo. Bien que cela ne soit qu’un détail de plus dans le contexte qui fait des jeux vidéo des objets de collection, il est intéressant de montrer cette double compatibilité du jeu vidéo avec le produit dérivé, car elle ne fait qu’accentuer encore le caractère collectible du jeu vidéo en le déportant sur le terrain des autres collectionneurs.

Relation entre produits dérivés et culte de l’oeuvre

Les agences de communication ont d’ailleurs bien compris que le produit dérivé intéressait le collectionneur, et elles ont appris à s’adresser à lui : souvent, la communication autour de l’objet dérivé joue sur la psychologie du collectionneur. Différentes marques proposent des objets en série limitée, numérotées ou portant la mention “collector” ; il n’est pas rare non plus, dés qu’une licence devient populaire, de voir apparaître des “cartes à collectionner”. Dés qu’une oeuvre donne naissance à un grand nombre de produits dérivés, elle fait quelques pas de plus vers sa mutation en oeuvre culte. Et si culte il y a, collectionneurs il y a. Rappelez-vous, nous en avons parlé dans la première partie de ce dossierle collectionneur est un consommateur. Lorsqu’une oeuvre prend de l’importance dans la culture populaire, les licences d’exploitation se multiplient et il apparaît nécessairement un grand nombre produits dérivés divers. Le terrain de recherche du collectionneur s’étend et se diversifie. Ce champs d’objets divers autour d’une thématique, invite le collectionneur à les rassembler, et à intensifier le culte voué à l’oeuvre. L’objet dérivé, ou plutôt la commercialisation massive de produits dérivés, entretient et accentue donc le culte de l’oeuvre. Les deux fonctions Culte de l’oeuvre et Commercialisation d’objets dérivés sont croissantes l’une de l’autre. Si régulièrement et pendant une période assez longue (le temps que des enfants deviennent des adultes) de nouvelles vagues de produits dérivés sont commercialisées, la licence devient culte.

Exemples annexes

Cela s’observe très bien avec la licence Star WarsGeorges Lucas est d’ailleurs le pionnier du produit dérivé ; on sait tous, fan ou pas, à quel point Star Wars est une licence culte et collectionnée, et à quel point la diversité des objets que l’on peut retrouver à l’effigie de Star Wars est vaste. Si à l’époque (fin des années 1970), le marché du produit dérivé n’intéressait pas grand monde, aujourd’hui le sort de certaines productions cinématographiques est dépendant du potentiel de la licence à vendre des droits dérivés. Et dans certains cas le marché du produit dérivé représente plusieurs milliards de dollars ! Sur un terrain légèrement différent mais qui montre encore bien le pouvoir du marketing sur la collection des objets d’Arts populaires, il y a Steve Jobs, autre génie du marketing qui a su développer un culte autour des produits de Apple. On ne peut pas vraiment parler de produits dérivés dans cet exemple, mais le mécanisme est similaire et sûrement intéressant à citer. La diversité des machines (iMac, iPod, iPhone, iPad), la largeur des gammes, et l’Histoire particulière de cette entreprise, ont fait que certains des premiers produits de la Pomme sont devenus de véritables pièces de collection qui se négocient plusieurs dizaines de milliers de dollars entre collectionneurs. Je vous renvois à l’article que j’avais écrit sur la vente aux enchères de l’ordinateur Apple 1.

Des jeux vidéo cultes et des pièces de collection

Il en va de même pour les jeux vidéo, et cela depuis déjà longtemps. Si très tôt on pouvait déjà retrouver les figurines des personnages les plus emblématiques du jeu vidéo comme Mario ou Link (Zelda), les objets dérivés se sont diversifiés très rapidement. Dans les années 1980, il était déjà possible d’avoir le skateboard Zelda, le téléphone Super Mario Bros 2, le jeu de société Donkey Kong… Aujourd’hui, il existe des milliers d’objets dérivés différents qui sont issus des jeux vidéo. Les oeuvres, qui deviennent alors cultes et collectibles, ne sont autres que les jeux vidéo eux mêmes. Les différentes vagues productions d’objets dérivés tout au long de la vie de la licence, ne font pas qu’entretenir sa présence et son culte, elles donnent également naissance à différentes versions, différentes éditions, différents packaging, dont certains sont plus rares que d’autres ; et rien ne met plus en éveil les sens du collectionneur que la pièce rare. Maintenant que nous avons observé que le jeu vidéo évolue dans un contexte propice à l’apparition des collectionneurs, nous allons nous intéresser au jeu vidéo en tant qu’objet, et nous verrons que (en tant que tel), il réunit tous les critères de l’objet de collection. En effet, toute pièce de collection doit réunir certaines caractéristiques qualitatives pour lancer un défi à l’exigeance du collectionneur. Mais nous verrons tout ça dans mon prochain article. 😉

Pour aller plus loin

Cet article a servi à l’écriture du livre « Retrogaming : Comment les jeux vidéo sont devenus des objets de collection ».
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