Le livre est désormais disponible sur Amazon et sur le blog

De sous-média nocif à Dixième Art, des salles d’arcade enfumées aux prestigieuses maisons de vente et aux musées d’art moderne, comment les jeux vidéo son devenus de véritables objets de collection ?

Avant d’entrer dans le vif du sujet (à savoir la collection de jeux vidéo), il convient de définir ce qu’est une collection, de manière générale. Dans cette partie, je m’intéresserai également aux collectionneurs, et à leur comportement. Je resterai très général, à savoir que j’étudierai ces notions dans l’absolu. Si parfois certaines considérations paraissent excessives, il est important de tout de même s’y attarder, pour mieux comprendre le domaine passionnel auquel appartient la collection. Bien souvent pour approcher de façon précise un concept, il convient d’en étudier ses extrémités afin de faire apparaître différents degrés et leurs implications. 

Collection : défintion et généralités

Voici la définition que nous donne Larousse :

(Une collection est une) Réunion d’objets rassemblés et classés pour leur valeur documentaire, esthétique, pour leur prix, leur rareté, etc.

Nous allons approfondir cette définition afin de ne pas se limiter au caractère succin imposé par le dictionnaire.

Pour aborder correctement le concept de collection, il convient de s’intéresser à son essence ainsi qu’aux éléments qui la composent.

Les composants d’une collection appartiennent tous à une même catégorie, plus ou moins large, mais chaque objet ou exemplaire reste différent de l’autre. Très souvent les objets qui composent une collection sont détournés de leur fonction première (l’acquisition d’un jeu sous blister pour une collection n’a plus pour fonction d’être joué).

Une collection a pour ultime but la complétion, à savoir la réunion complète de tous les objets d’une série répondant à des critères communs et définis par celui qui les réunit (en l’occurrence le collectionneur). La collection trouve sa justification dans son caractère incomplet, dans son inachèvement. En effet, la recherche représente (environ et en moyenne) 90% de l’activité du collectionneur. Elle est donc le moteur de tout collectionneur et la collection devient dénuée d’intérêt dés lors que le collectionneur n’a plus rien à rechercher. Ce dernier éprouve alors soudainement un vide, car l’intérêt de toute collection réside dans la recherche et la complétion. Une fois complétée, la collection est achevée, la recherche n’existe plus, et le collectionneur perd sa raison d’être.

Dans les cas où l’on assiste à l’achèvement d’une collection,

  • soit le collectionneur étend le champs des caractéristiques qui composent les éléments de sa collection afin d’acquérir de nouvelles pièces (et de continuer sa collection) ;
  • soit le collectionneur revend sa collection. Il n’est pas anodin non plus que le collectionneur donne sa collection à un musée.

C’est dans de très rares cas que le collectionneur conserve sa collection une fois terminée. On remarque que les collections qui ne font pas l’objet d’une revente sont celles qui ne détournent pas l’utilité de l’objet, celles dont chaque élément qui la compose est toujours utilisé pour sa fonction originelle.

On peut donc affirmer que dans la plupart des cas, une collection n’est qu’une quête vouée à l’échec puisque son objectif de complétion lui fait perdre tout intérêt dés lors qu’il est atteint par le collectionneur.

Profil psychologique du collectionneur

Je vais désormais me pencher sur le comportement du collectionneur en m’intéressant à sa psychologie.

Comme nous l’avons abordé dans le paragraphe précédent, la satisfaction du collectionneur repose sur la recherche et sur l’acquisition, beaucoup plus que sur la possession. Mais le collectionneur reste un éternel insatisfait car il est guidé par un désir insatiable : la découverte et l’acquisition de nouvelles pièces. Ce besoin est comparable à la faim, car s’il peut être assouvi le temps d’une acquisition, il revient sans cesse. Le collectionneur est un consommateur maniaque qui renouvelle toujours l’expérience de recherche et d’acquisition. Et même si dans certaines périodes il achète moins, il est seulement “calmé”, car il est un point commun à tous les collectionneurs : l’absence de point de saturation.

Le collectionneur est un passionné, et comme tout passionné, son comportement n’est pas gouverné par la raison mais par des comportements compulsifs. Le collectionneur est méticuleux, soigneux, il tri, range, et bien souvent expose sa collection. Il est méthodique :  il recherche selon différentes méthodes, à différents endroits, entretient ses contacts, créé et diffuse des listes de recherche auprès de son réseau. Il a très souvent une tendance à la surestimation : il donne une valeur plus élevée à l’objet qu’il désire acquérir que sa valeur réelle.

Le collectionneur, passionné par sa collection, lui accorde une part conséquente de ses revenus et lui consacre une grosse partie de son temps de loisir. Son comportement s’assimile presque à un trouble obsessionnel compulsif. Dans de nombreux cas d’ailleurs, la collection est assimilée à une pathologie de l’esprit, on parle de collectionnomanie.

Nous pouvons distinguer deux profils de collectionneurs :

  • Le collectionneur vitrine : plutôt extraverti et presque exhibitionniste, il ne parle que de sa collection (environ 70% des collectionneurs sont des “collectionneurs vitrines”).
  • Le collectionneur placard : introverti et méfiant, il ne montre jamais sa collection. Il est cependant tout aussi actif dans la recherche, l’acquisition et la rencontre de nouveaux collectionneurs (environ 30% des collectionneurs sont des “collectionneurs placards”).

La complexité psychologique que nous avons décrit ici explique pourquoi le collectionneur s’attache beaucoup plus à son activité de collectionneur qu’à ses objets. C’est un point important dont il faut être conscient dés qu’on s’intéresse à la collection, que ce soit en tant qu’observateur ou acteur.

Si toutes ces considérations semblent un peu absolues, elles se manifestent pourtant dans tous les domaines de collection, y compris celui des jeux vidéo. Je reviendrai plus tard et plus en détail sur les différents profils de collectionneurs de jeux vidéo.

Bien que tous les objets puissent être collectionnés, certains présentent plus de prédispositions à l’être, et sont par conséquent plus collectionnés que d’autres. Il existe différents facteurs qui font d’un objet une pièce de collection : et notamment les différences plus ou moins complexes qui séparent chaque élément de la catégorie d’objet à laquelle il appartient, mais aussi les émotions qu’il évoque et auxquelles il est lié, son importance culturelle ou historique.

C’est ce que nous étudierons dans le prochain article.

Pour aller plus loin

Cet article a servi à l’écriture du livre « Retrogaming : Comment les jeux vidéo sont devenus des objets de collection ».

disponible sur amazon, consultez la page dédiée sur le blog pour plus d’infos.