Le livre est désormais disponible sur Amazon et sur le blog

De sous-média nocif à Dixième Art, des salles d’arcade enfumées aux prestigieuses maisons de vente et aux musées d’art moderne, comment les jeux vidéo son devenus de véritables objets de collection ?

Au cours des prochains articles, nous allons mettre en évidence les différents phénomènes qui font des jeux vidéo des collectibles (de l’anglais : objet de collection). On peut distinguer un contexte riche en évènements qui contribuent à faire des jeux vidéo des pièces de collection. Nous allons mettre en évidence les décors historiques,structurels, culturels, conjoncturels, émotionnels qui posent un cadre favorable à l’éveil du collectionneur de jeux vidéo. Nous verrons aussi que le jeu vidéo en tant qu’objet, réunit tous les critères de l’objet de collection.

Dans cet article, nous allons observer le paysage historique et la conjoncture actuelle en analysant l’histoire du marché des jeux vidéo et ses récentes évolutions.

Le jeu vidéo : une industrie encore jeune

Le jeu vidéo a 35 ans. Et bien qu’il soit possible de remonter plus loin dans l’Histoire pour affirmer que le jeu vidéo est plus ancien, les jeux vidéo, tels que vous et moi les connaissons, sont nés avec l’Atari 2600. Certains remonteront en 1972 en vous parlant de l’Odyssey de Magnavox, d’autres iront plus loin dans les années 1950 en vous parlant de Ralph Bear, moi je vous parle d’une date précise : celle à laquelle le jeu vidéo a connu sa première démocratisation, grâce à la firme Atari en 1977-78.

Au cours de ces 35 années, les acteurs de l’industrie du jeu vidéo se sont livrés une guerre technologique permanente pour conquérir les parts de ce marché qui grossissait chaque année. On se souvient d’ailleurs que cette guerre était explicitement utilisée par SEGA dans toutes ses campagnes marketing. Les firmes nous proposaient toujours plus d’accessoires ; toujours plus de périphériques ; toujours plus de qualité graphique ; toujours plus. Parfois même à en oublier le raison d’être du jeu à savoir le divertissement… (Qui a déjà réussi à jouer à Rad Racer sur Nes avec les lunettes 3D ?)

Pendant ces années de prospérité, l’industrie se cherchait, et surtout cherchait à se construire plus vite que les évolutions technologiques du domaine de l’audiovisuel, avec pour résultat de donner lieu à toutes sortes de dérives sur le marché des consoles, dérives qui sont parfois devenues des objets de collection (on se souvient du Virtual Boy de Nintendo par exemple).

35 ans à l’échelle des collections, c’est peu. En effet si on compare le domaine de collection des numismates (collectionneurs de pièces) à celui des jeux vidéo, on se rend compte que les numismates peuvent évoluer sur un terrain de 2000 ans d’Histoire (sûrement plus même).

Pourtant, malgré leur récente apparition, les jeux vidéo présentent toutes les dispositions pour être des objets de collection et offrent déjà un terrain de recherche très large au collectionneur. Les jeux vidéo ont su parfaitement intégrer notre culture ; ils ont réussi à s’introduire dans tous les foyers, auprès de toutes les CSP, et à intéresser toutes les tranches d’âge ; ils se lient à l’émotif du joueur ; ils présentent une grande diversité d’objets dérivés, de versions, de packaging, de marques, de raretés, de bons et de mauvais titres…

Ce contexte de production en série, de batailles marketing, et de consommation de masse, pose le socle de ce qui sera plus tard un domaine de collection.

Évolutions récentes du marché des jeux vidéo

Nous disions que l’industrie du jeu vidéo s’était longtemps cherchée, et bien elle s’est trouvée, et les récentes transformations du marché contribuent encore à renforcer le caractère collectible des anciens jeux vidéo.

La dématérialisation

Ces dernières années, nous l’avons tous constaté, le temps du “tout-dématérialisé” est arrivé.

Si ça a été une catastrophe pour l’économie du cinéma ou de la musique, on ne peut pas en dire autant pour les grands noms du jeu vidéo. Au contraire, les éditeurs de jeux vidéo ont découvert un nouvel Eldorado : le jeu vidéo dématérialisé. Désormais, pour acheter un jeu, le joueur peut le télécharger directement depuis sa console, son téléphone, son ordinateur, et même depuis sa box.  Plus besoin de distributeurs, plus besoin de productions de boîtes, de CD, ou de notices papier, meilleur contrôle du piratage, et coup de grâce au marché de l’occasion. Quelle aubaine !

Il faut maintenant l’accepter, l’avenir du jeu vidéo sera fait à 99% avec des jeux dématérialisés  (1% pour l’Éspoir).

Si cette dématérialisation généralisée “tue” l’objet physique, paradoxalement elle lui donne un regain d’intérêt. La dématérialisation accentue le culte de l’objet et provoque dans l’inconscient collectif une nostalgie du palpable.

Les jeux vidéo sont d’autant plus touchés que les joueurs jusqu’à aujourd’hui ont tous acheté leurs jeux en magasin et attendu de rentrer chez eux pour le déballer, lire la notice, lancer le CD ou la cartouche… Autant de choses qu’il ne sera plus possible de faire et qui contribuaient à l’excitation et au plaisir du jeu.

Désormais cette excitation est relayée à une barre de chargement, plus ou moins longue.

Le casual-gaming

Avec l’avènement des smartphones et de la mobilité, une nouvelle forme de jeux est apparue : le casual-gaming, ou jeu occasionnel.

Le casual-game est un jeu qui dispose d’une durée de vie plutôt courte, et comme son nom l’indique il est destiné au joueur occasionnel. Le casual-game est donc un jeu qui se veut simple, très sommaire, pour correspondre à un public très large de joueurs occasionnels.

Addictif au début, on s’en lasse tout de même assez vite car les parties sont très courtes.  La simplicité et le faible coût de l’achat font que l’on passe d’un jeu à l’autre très rapidement.

Les faibles coûts de production et le succès que certains titres (comme Angry Birds) ont rencontré, font que les casual-games se multiplient, en même temps qu’ils se noient dans la masse.

De fait, le lien émotionnel avec ces nouveaux jeux est bien moindre qu’avec les jeux d’ancienne génération. Les jeux casuals proposent un plaisir immédiat du divertissement, la partie est gagnée d’avance. Les jeux dits hardcore (par opposition) s’adressent au Joueur (avec un grand J), à l’aventurier qui est en lui et qui est prêt à donner de son temps pour affronter des épreuves, résoudre des problèmes et remporter des victoires. Ce sont ces jeux là qui se lient à l’émotif du joueur et qui sont mis en relief par les jeux casual.

S’il est une chose qui fait presque autant plaisir que de rejouer à Super Mario Bros, c’est bien de retrouver 15 ans plus tard le jeu dans sa cave ou dans son grenier. Visuellement, la boîte rappelle déjà des souvenirs et les heures de jeux sur la console grise. Relire la notice et retrouver cette vieille jaquette en plastique noir marqué Nintendo en rouge, revoir la cartouche et se souvenir du bruit qu’elle faisait quand on l’insérait dans la console, sont autant d’éléments qui peuvent faire naître le désir de collectionner, et qui n’existeront pas (ou en tout cas pas sous la même forme) avec le casual-gaming, ni avec les jeux vidéo des prochaines générations.

A l’ère des jeux vidéo virtuels, les jeux vidéo physiques ne sont plus que des objets de collection.

S’il y a eu d’énormes évolutions de l’industrie des jeux ses dernières années, il y a aussi eu de nouveaux aspects de la demande qui se sont révélés, et qui ont amené les éditeurs à y répondre.

Une autre branche de marché qu’il va être intéressant d’observer, c’est le Retrogaming, et par extension, le Néoretrogaming.

Pour aller plus loin

Cet article a servi à l’écriture du livre « Retrogaming : Comment les jeux vidéo sont devenus des objets de collection ».

disponible sur amazon, consultez la page dédiée sur le blog pour plus d’infos.